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Richard Veneau, auteur provisoirement contemporainRichard Veneau, auteur provisoirement contemporain


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Discours à la Nation Méditerranéenne 
 

A l’aube du dix-neuvième siècle, Johannes Fichte écrivait ses Discours à la Nation Allemande, qui allaient en structurer, bien plus sûrement qu’un simple Zollverein, un souffle collectif donnant une forme inédite au conglomérat des Länder germaniques. Ce souffle, cette forme inédite, ce « plébiscite quotidien » repris d’une formule célèbre par Renan au bénéfice de la France, fut précisément le fait national qui sut réunir des hommes avant de diviser les peuples.

Dans les années trente du vingtième siècle, Julien Benda allait répondre à Fichte par un livre au titre délibérément provoquant : Discours à la nation européenne. Dans ce texte à la fois fiévreux et sombre, l’auteur de La trahison des clercs entreprenait de détruire ce qu’il appelait lui-même « l’œuvre impie du dix-neuvième siècle ». Appel inquiet d’un intellectuel à l’aube du désastre, d’un prophète au bord de l’apocalypse, d’un clerc en lisière d’ombre, pour éteindre dans le cœur de ses contemporains les fureurs nationales et tenter de ranimer la flamme d’une idée fédératrice européenne.

L’ouvrage de Richard Veneau, écrit à l’orée de la deuxième décennie du vingt-et-unième siècle, se distingue à la lueur des deux précédents discours. A bien l’entendre, il doit être possible d’inventer quelque chose de nouveau, dont la nation ne soit pas l’ennemi et dont l’Europe ne soit pas nécessairement le modèle. Cette invention est vieille comme Hérode, qui y vécut. Elle s’appelle la Méditerranée.

Elle repose sur des valeurs communes, une morale collective, une écoute particulière. Il n’y a qu’à se pencher pour entendre ce qui se murmure des marais Pontins aux rives de Carthage, des plaines libanaises au Détroit de Gibraltar, de Sainte Sophie aux temples d’Agrigente. Il n’y a qu’à regarder les soulèvements sans imam qui donnèrent leur parfum de paix aux révolutions de jasmin fin 2010 et leur singularité aux révoltés des places Tahrir en 2011. La Méditerranée est un espace à part, qui demande à reprendre sa place dans l’Histoire. Avec politesse et humilité. Avec urgence aussi.

Tel est le sens de ce Discours à la Nation Méditerranéenne. Fichte, Benda, vous qui fûtes ennemis à défaut d’être contemporains, vous qui êtes parents à défaut d’être frères, vous qui parlez en esprit la même langue pour mieux frotter vos arguments contraires, soyez nos complices pour cette édition. Un discours comme celui-là, vous en avez déterminé le rythme.

On en a droit à un par siècle. Et c’est maintenant.